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Inceste/Incestuel - Les conséquences de l'emprise à l'âge adulte
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Inceste/Incestuel - Les conséquences de l'emprise à l'âge adulte
En France, un rapport sexuel entre deux personnes parentes à un degré où le mariage est interdit ne constitue pas une infraction spécifique. Si la relation est "librement" consentie et concerne deux personnes qui ont dépassé l'âge de la majorité sexuelle (15 ans), elle ne tombe pas sous le coup du code pénal.
Tout abus sexuel désigne l'utilisation d'enfants pour le plaisir de l'adulte et seulement quand la contrainte est manifeste.
Or, cette contrainte n'est pas systématique car dès lors que l'adulte use de son pouvoir d'ascendant, ou de référent, la violence psychologique s'instaure de manière pernicieuse et totalement destructrice.
L'enfant est alors perdu entre son "désir" non génital d'être au contact de son parent et le regard sexualisé de ce dernier sur lui.
Qui dit violences sexuelles incestueuses précoces dit fragmentation de l'identité. Pourquoi ?
L'effraction psychique que subit l'enfant victime d'inceste ou d'incestuel est redoutable par son intensité et par le fait qu'elle soit sans issue.
On parle alors d'une grave transgression des limites de l'intimité qui vient forcer l'enfant à vivre ce que psychiquement parlant il n'est pas en mesure de concevoir.
Cette transgression peut instaurer en lui un phénomène de normalité particulièrement pathogène dans le sens où il ne sait plus ce qui tient du normal et de l'anormal, ce qui peut le placer à l'adolescence ou à l'âge adulte dans des postures dangereuses pour son intégrité.
La perte des repères affectifs désoriente l'enfant qui ne sait plus différencier affection et sexualité, car là où il demande de la tendresse l'adulte lui répond par une attention sexuelle.
L'adulte étant en lien familial avec l'enfant et d'autant plus lorsqu'il s'agit du parent, il est alors encore plus difficile pour l'enfant de se construire narcissiquement parlant.
Subir un inceste ou un climat incestuel équivaut à une interdiction de grandir et de devenir un être autonome. L'intention qui y est placée est gravement aliénante, menant jusqu'à une colonisation par l'agresseur* hautement problématique dans la construction de sa propre identité, de l'estime de soi et de ses valeurs et dans l'élaboration des relations avec les autres.
* Phénomène mis en lumière par la psychiatre française Muriel Salmona, spécialiste en psychotraumatologie
Quand le lien affectif à l'agresseur détruit de l'intérieur
Il est d'autant plus difficile et culpabilisant pour une victime de ressentir de la peine et de l'amour pour la personne qui l'a agressé.
Un enfant qui subit un inceste d'une figure parentale ou d'un membre de sa famille ne cesse pas de l'aimer pour autant, il n'arrive pas à s'aimer lui-même.
A l'âge adulte, cela induit des sentiments paradoxaux, entre la colère, la rage et dans le même temps un profond amour et attachement pour cette personne pourtant responsable de notre douleur.
Je constate souvent en consultations à quel point ce double sentiment est lourd de conséquences pour la majeure partie de ma patientèle.
Être agressé(e) dans son intimité par une personne de confiance telle que peut l'être un père, une mère, un frère, une sœur, un grand-père, une grande-mère ou autre n'est pas tolérable et l'enfant en a bien conscience.
Seulement, le besoin d'attachement primaire est nécessaire pour grandir et un enfant incesté par ses parents par exemple se construira dans une ambivalence de sentiment. Il pourra tour à tour ressentir de la colère, du dégoût et en même temps de l'amour.
Car par définition, un enfant aime ses parents, quoi qu'il en coûte, quoi qu'il endure, un enfant sera toujours loyal à ses parents. Même lorsqu'il dénonce les violences, une part en lui le fait pour sa survie mais il pense surtout à ne pas blesser son agresseur.
"Je ne veux pas qu'il aille en prison"
"Je veux bien porter plainte mais qu'est ce qui va lui arriver après ?"
"Je veux juste qu'elle reconnaisse ce qu'elle m'a fait"
C'est aussi pour cette raison qu'il est si difficile pour une personne victime de parler sans filtre de son vécu.
La culpabilité de faire souffrir l'autre, quand bien même il s'agit de notre agresseur, est trop intense.
La victime se sent responsable de faire porter cette souffrance alors qu'il n'en est rien, mais ce sentiment est plus fort que tout et engendre un bon nombre de silence.
Comment se manifeste la colonisation par l'agresseur ?
Pour bien comprendre la colonisation il faut la voir comme une pensée que l'on place devant le regard d'un individu en lui disant que cette pensée est la seule réalité qui existe.
La colonisation est le fait de programmer un individu pour qu'il pense de lui-même ce que sa figure parentale lui en dit.
C'est le même processus que celui de l'endoctrinement, mais d'un parent envers son enfant.
L'enfant qui fait pleinement confiance en sa figure d'attachement se retrouve contraint à cette construction éronnée de lui-même.
A l'âge adulte, les conséquences sont donc multiples :
- impossibilité d'être soi-même : impression de chercher sa place, de ne pas savoir qui l'on est, d'être en quête identitaire permanente
- difficultés à créer du lien avec les autres : méfiance, peur d'être jugé, peur d'être manipulé, peur d'être blessé, peur d'être déçu, peur de souffrir
- forte dépendance affective et même temps évitement total ou partiel de la relation à l'autre : relation fusionnelle, exclusive, et en même temps besoin d'être seul, de s'en sortir seul, d'être indépendant, maintient des autres à l'écart
- tendance au burn out professionnel : ne pas savoir dire stop, ne pas réussir à poser de limites, investissement extrême dans le domaine professionnel pour exister
- suradaptabilité à l'autre : pour faire plaisir, pour être "comme tout le monde et normal", pour dissimuler son mal-être
- repli sur soi : sentiment de solitude et de vide intérieur, dévalorisation, besoin de validation extérieur
- impossibilité de se connecter aux émotions : ne pas arriver à exprimer ses émotions, ne pas s'autoriser à ressentir des émotions, tendance à se dissocier
- difficultés à maintenir une vie épanouissante : inaccessibilité à la joie, au plaisir, à l'amour et à l'amitié sans conditions
Vous l'aurez compris, l'emprise de l'inceste et de l'incestuel est un phénomène profondément ancré dans le modèle d'éducation et dans le lien d'attachement totalement désorganisé qu'un tel modèle familial perpétue.
Il convient de prendre le temps de panser chacun des domaines de sa vie pour enfin comprendre ses blocages et y remédier dans la douceur et la bienveillance de soi.